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La mort de Michel Jazy, star du demi-fond français des années 1960

Il s’en est fallu de quelques mois pour que Michel Jazy – qui ne manquait jamais une compétition d’athlétisme, dans son fauteuil de cuir, devant sa télévision – revive, par procuration et à domicile, la magie des Jeux olympiques. Vice-champion olympique du 1 500 m à Rome, en 1960, 4e sur 5 000 m aux Jeux de Tokyo, en 1964, auteur de neuf records du monde, dix-huit d’Europe et quarante-neuf de France, du 800 au 5 000 m, le demi-fondeur nordiste à la foulée aérienne s’est envolé, jeudi 1er février, à l’âge de 87 ans, à l’hôpital de Dax (Landes).
Une visite à Michel Jazy, installé depuis des décennies à Hossegor (Landes), où il aimait taquiner la balle de golf, était à la fois l’assurance de s’offrir un gueuleton et une passionnante plongée dans la France gaullienne des années 1960. Durant cette décennie, le miler blond et efflanqué à la gueule d’ange se tire la bourre sur la cendrée avec Michel Bernard, Nordiste lui aussi, de cinq ans son aîné. La chronique de leur rivalité à la Poulidor-Anquetil passionne les Français et fait les beaux jours du petit écran.
A l’été 2016, pour évoquer sa vie aux multiples facettes et sa carrière de champion, Michel Jazy, fâché avec les footings depuis belle lurette, reçoit Le Monde dans son appartement landais autour de tapas maison et de vin rosé. « Vous buvez, j’espère », lance-t-il alors. En empoignant résolument la bouteille, il plaisante au sujet de l’infarctus auquel, un peu trop bon vivant, il a survécu dans les années 1980. Il se moque aussi comme d’une guigne du diabète et de l’insuffisance rénale qui le minent et l’après-midi file. La destinée de « Michal » – prénom de baptême polonais de celui qui n’a obtenu la nationalité française qu’à l’âge de 18 ans – est proprement extraordinaire.
Né dans une famille de mineurs de fonds polonais d’Oignies (Pas-de-Calais), Jazy a été élevé par ses grands-parents maternels, non francophones, dans la rue même où, en 1950, Guy Drut, devenu champion olympique du 110 m haies, en 1976, a vu le jour. Sa mère a divorcé très tôt de son père, mineur lui aussi et mort de la silicose. Pour faire bouillir la marmite, elle travaille à Lille puis à Paris, loin de son fils.
Considéré comme un cancre par l’éducation nationale, Michal est un enfant hyperactif. Il affiche très tôt des dispositions pour la course à pied, mais comme tous les gamins du coron, il ne jure que par le football. Aussi l’idée de courir après un chrono plutôt qu’un ballon lui paraît-elle incongrue. Surnommé le « zèbre des corons » tant pour son endurance que pour les marques de coups de baguettes d’un rigide instituteur, il met un point d’honneur à décrocher son « certif » (son certificat d’études) en candidat libre, à la grande satisfaction de sa mère. Craignant qu’il meurt « au fond » comme tant d’autres hommes de son milieu, elle le rapatrie à Paris.
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