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Oleh Sentsov, réalisateur : « En Ukraine, l’heure est à l’unité. Sinon, nous mourrons tous »

Originaire de Crimée, icône de la révolution démocratique de Maïdan, en 2014, et ancien prisonnier politique en Russie, prix Sakharov 2018, le cinéaste Oleh Sentsov est devenu soldat depuis l’attaque russe de l’Ukraine, le 24 février 2022. D’un checkpoint de Kiev aux lignes de front autour de la capitale, d’une unité des forces spéciales abattant des hélicoptères à une compagnie d’infanterie au sein de la 47e brigade mécanisée dans le Donbass, il s’est engagé corps et âme. A l’occasion du double anniversaire des 10 ans de Maïdan et des 2 ans de l’invasion de son pays, le lieutenant Sentsov (qui a adopté la version en ukrainien de son prénom, Oleh, plutôt que la russe), Oleg, revient sur son parcours.
J’étais sur la place Maïdan pendant trois mois, j’ai participé à des batailles de rue et vu la victoire de la « révolution de la dignité ». Puis Poutine a mis en œuvre son plan pour s’emparer de la Crimée. J’ai immédiatement dit à mes amis que la guerre commençait. Beaucoup de gens en Ukraine, comme en Europe et dans le monde, ne comprenaient pas ce qui se passait. Je me suis rendu à Simferopol, ma ville natale en Crimée. J’y ai fait l’expérience de ce qu’est l’occupation, l’oppression, lorsqu’il n’y a personne dans les rues, à part des troupes étrangères. Ce fut l’un des pires moments de ma vie.
L’Ukraine venait de changer de gouvernement et n’était pas prête à se battre. A l’époque, Ukrainiens et Russes avaient pour consigne de ne pas verser de sang. Certaines personnes ont été tuées, mais en secret. Il s’agissait d’une guerre hybride. A Kiev, le gouvernement n’a pas résisté, car il craignait une invasion de l’Ukraine continentale. Nous avons perdu la Crimée, et le conflit dans le Donbass a commencé, avec davantage de victimes. Je me suis opposé à l’annexion de la Crimée et, pour cette raison, j’ai été arrêté et j’ai passé cinq ans et demi en prison.
Aujourd’hui, nous subissons les conséquences de ne pas avoir arrêté Poutine en Crimée. L’histoire montre que tout flirt ou toute concession avec des dictateurs ne font qu’accroître le nombre de victimes. Les accords [avec la Russie] n’ont fait que retarder la guerre à grande échelle. Beaucoup d’Occidentaux pensaient que la Crimée était pour Poutine un besoin historique. Or, c’était un prétexte. La Crimée seule ne l’intéresse pas. Poutine construit une URSS 2.0, soit en s’emparant de territoires, soit en en plaçant sous influence russe. Il utilise l’histoire russe pour faire la guerre.
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